Techniques

Pour bien filmer au smartphone, changez vos valeurs !

Filmer de belles images avec un smartphone, tout le monde peut le faire. Mais la narration audiovisuelle tient à un principe que trop peu de personnes mettent en pratique : varier les valeurs de plans.

Les smartphones ont plusieurs faiblesses comparés aux caméras ou aux DSLR. La première est leur focale fixe, souvent unique et généralement grand-angle. La plupart des smartphones se contentent en effet d’un objectif 26 mm, une focale qu’on utilise traditionnellement en photo pour des lieux ou des paysages. Et les smartphones n’ont pas de “vrai” zoom optique. Utiliser leur zoom numérique produit rapidement une image dégradée et “bruitée” (avec des petits points tremblotants). Voilà pourquoi nous autres formateurs “MoJo”martelons qu’avec un smartphone, « on zoome avec ses pieds ! ». Dit autrement, il faut s’approcher de ce qu’on veut filmer en plan plus serré.

L’expression fait sourire et trop peu de gens la mettent en pratique. Alors qu’elle est une des clés d’un sujet « pro » tourné au smartphone. Faites l’exercice : où que vous soyez en lisant cet article, si vous êtes en présence d’une autre personne, sortez votre smartphone et filmez trois plans différents (et fixes) de la personne à côté de vous. Puis montez ces plans bout-à-bout dans une appli de montage. Oublions la règle des 180° (sur laquelle nous reviendrons un jour) et les éventuels problèmes de contre-jour ou de point (de netteté/focus), il y a fort à parier que vos trois plans aient pour premier défaut d’avoir la même valeur de plan. (1, 2 et 3)

En clair, quand bien même vous avez changé d’angle en tournant autour de la personne, vous avez filmé trois plans à peu de choses près à la même distance du personnage. Si vous les regardez attentivement, vous constaterez qui plus est que, dans chacun, l’image est nette partout. Alors que c’est tout le contraire qu’il faudrait obtenir !

La variété est l’un des points clés du montage et de la narration audiovisuelle professionnels. Changer d’angle importe moins que de varier les valeurs de plan : l’idéal aurait été de filmer un plan large, un plan moyen et un plan serré.

  1. Dans le plan large, on se tient à plusieurs mètres du personnage pour le voir dans son environnement (la pièce), au milieu du décor. Avec une grande profondeur de champ, tout est généralement net dans l’image. Ramené à la règle des 5W (Qui, Où, Quand, Comment, Pourquoi… en anglais), ce plan large répond d’abord à la question Où.
  2. Dans le plan moyen, on se rapproche du personnage en le cadrant lui, ou son visage, ou son regard, et l’on répond donc à la question Qui. Pour jouer avec la profondeur de champ, rien n’empêche ici de créer une amorce en venant coller le smartphone à moins de 5 cm d’une portion d’objet au tout premier plan qui apparaîtra flou (une plante, un rideau, le livre que la personne lit par exemple).
  3. Dans le plan serré (ou gros plan), on vient se placer entre 5 et 30 cm de ce qu’on veut filmer en pliant les genoux pour se mettre au même niveau et rendre l’arrière plan visible. Ceci afin d’obtenir du bokeh, autrement dit un beau flou en arrière plan. Il vaut mieux ici filmer des mains ou un objet. Plutôt que de tenter un ultra gros plan du personnage en lui collant le smartphone à quelques centimètres du visage pour avoir un arrière plan flou. Car le risque est de déformer son minois compte tenu de la focale grand angle du smartphone. En fonction de ce qui est filmé, ce plan serré serré répond aux questions Quoi ou Comment.

Voilà un des principes de base du tournage pour une narration efficace. Rien ne vous oblige à monter ces plans dans l’ordre large, moyen, serré. Toutes les combinaisons sont permises tant que la continuité est assurée et la curiosité préservée. L’objectif premier de cette variété est de capter l’attention. En enchaînant des plans de même valeur, l’attention du spectateur décroche inconsciemment. Alors que l’alternance la maintient en éveil.

Laurent Clause

Laurent Clause

Journaliste par vocation, spécialiste des nouvelles technologies depuis la fin des années 80, je suis devenu réalisateur d'images et formateur (à la vidéo en général et à la "vidéo mobile", sur smartphone, en particulier). J'ai enseigné le MoJo à l'Ecole de Journalisme de Sciences-Po Paris et interviens avec ma société Milledix notamment à Gobelins l'Ecole de l'Image, pour Samsa, le groupe CapCom ou aux Antilles et à la Réunion pour Inzy-Learning . J'enseigne l'écriture audiovisuelle, le montage avec FCP X, Adobe Premiere Pro ou Da Vinci Resolve et bien sûr la vidéo mobile, le MoJo (mobile journalism), le tournage avec Filmic Pro, Open Camera ou autres et le montage notamment avec Adobe Rush, LumaFusion ou VN..

2 Comments

  • On revient aux origines de la photo.
    Dans ce temps là, les photographes n’avaient pas de zoom sur leurs gros appareils. Ils devaient s’avancer ou reculer pour avoir le meilleur cadrage.

    • Absolument. Mais les utilisateurs les plus fortunés (ou le plus pro) profitent depuis quelques années de smartphone à deux ou trois objectifs (ultra-wide et téléobjectif) pour jouer avec les focales sans recourir au (faux) zoom (digital), sans forcément de rapprocher ou s’éloigner.

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