Sur le mode portrait, tout a été dit depuis des mois. Je vous ai compilé ici l’ensemble des éléments qui militent en faveur de ce format « révolutionnaire » (non, je plaisante). En résumé filmer en mode paysage c’est plus pro et plus universel, alors que le mode portrait destine d’abord les images aux « smartphonautes ». Mais puisque c’est sur ce smartphone que l’on va consommer le plus de vidéo dans les années à venir, la Publicité voit les « verticales » comme un nouvel eldorado pour attraper les gogos… Donc au nom de l’argent, vous allez en manger !
30 minutes de « vertical »/jour
Il y a plusieurs années les statistiques mesuraient le temps que l’on passait chaque jour devant la télé. Maintenant on s’intéresse plutôt au temps passé à consommer de la vidéo en ligne, 45 minutes quotidiennement aux Etats Unis selon la société d’étude Zenith Media. Dont 29 minutes sur son smartphone, soit 35% de plus qu’en 2016. Et, tenez vous bien, 30% seulement des mobinautes ont le réflexe, la force ou le courage, peu importe, de basculer leur smartphone de 90° pour regarder les vidéos horizontalement. Logique, puisque ce sont évidemment sur les réseaux sociaux, et dans un flux d’infos, que ces vidéos sont consommées principalement. Business Insider révélait il y a quelques mois que sur Facebook, les vidéos verticales étaient vues plus longtemps. Quant au pionnier du format, Snapchat, il estime que sur ses pages, les vidéos en mode portrait sont 9 fois plus vues que celles au format paysage.
Ce n’est donc pas un hasard si la marque Nespresso prêche la bonne parole créative du format vertical. Avec son challenge Nespresso Talents, où les gagnants sont invités au Festival de Cannes, la filiale de Nestlé essaie de motiver les jeunes réalisateurs. Le discours du teaser de son challenge est simple : les temps changent et il faut vivre avec son temps.
Avec ce concours, la marque essaie de « formater » les créateurs de pub de demain. Car la demande pour le vertical est déjà là. Une petite agence américaine s’est amusée en effet à tester la même campagne de pub sur Facebook dans chacun des deux modes, portrait et paysage. Résultat, en mode vertical, l' »engagement » est plus important. Outre-Atlantique, de Condé Nast à Hearst en passant par Universal, plus de 100 grands médias (dont la publicité reste la source principale de revenu) ont déjà adopté le format, comme l’explique aux annonceurs, Extremereach, une agence/régie adossée au groupe AT&T.
Au nom de l’argent, des réseaux sociaux… et des fainéants
La pub (l’argent) a donc gagné. Le mobinaute n’a pas la force de tourner son petit écran mobile ? Soit, on va lui donner de belles images étriquées puisqu’elles l’incitent davantage à consommer. Mais cela ne va pas se faire sans quelques difficultés. D’abord il faut cadrer et composer les images autrement. Et bricoler des caméras -conçues pour le format paysage- pour qu’elles filment en vertical. Car aujourd’hui, les smartphones sont les seules « caméras » capables de filmer spontanément aussi bien en 16:9 ème qu’en 9:16 ème. On imagine mal les agences de pub produire leurs spots sur iPhone : elles auraient du mal à justifier les budgets astronomiques qu’elles facturent en tournant aujourd’hui avec du matériel pro au format paysage. Les réalisateurs du Nespresso Talents et ceux qui produisent les pubs en 9:16 ème qui fleurissent sur smartphones depuis des mois, ont évidemment été tournées avec de bonnes grosses caméras 4K voire 8K, en ne gardant en post-prod qu’un cadre central de 1080 x 1920, et en utilisant vraisemblablement un masque (un cache) au tournage pour repérer la surface utile à l’intérieur de leur cadre. Quand bien même les publicitaires oseraient le smartphone pour produire rapidement en mode « portrait », il leur faudrait l’équipement adéquat. Et il est rare ! A commencer par des grips spéciaux pour pouvoir tenir verticalement le smartphone sur un trépied, ou bien un grip basique (avec vis Kodak dorsale) monté sur un bras magique. Côté stabilisateur, même problème : les gimbals qui prétendent pouvoir filmer en vertical obligent en réalité à tenir leur poignée à l’horizontale. C’est aussi paradoxal que fatigant (à moins d’avoir un modèle dont la poignée peut se visser sur un trépied orientable) et cela tue ces stabilisateurs dont les axes motorisés (et fragiles) ont été conçus pour fonctionner en étant inclinés autrement. Les modèles qui s’en sortent le mieux sont ceux qui utilisent un module matériel complémentaire, comme le Lanparte HHG-01, Mais avec lui, pas question de tourner en vertical avec un smartphone grand format (type iPhone « Plus » ou Galaxy Note), seuls les petits modèles sont éligibles à l’orientation portrait.
De nouvelles façons de raconter les histoires
Malgré quelques essais de formats « classiques » (ceux de France 3 il y a quelques années notamment pour couvrir le festival du court-métrage de Clermont-Ferrand), il semble établi maintenant qu’en vertical, on ne raconte plus les même choses, ni de la même façon. Les réseaux sociaux étant les premiers vecteurs de diffusion de ces images, il faut faire très court. Le bon format tendrait vers le 15 secondes avec des vidéos intégrées sur le bord droit de l’image pour être vu davantage. Le bon côté de cette courte durée, c’est qu’on n’a moins le temps d’analyser la qualité. Moins bien cadrées, pixelisées, tremblotantes les images… Est-ce si important ? Ce qui est essentiel en revanche en mode portrait, c’est le plan fixe. Pas question de « panoter » en vertical : l’écran est si peu large, que pour ne pas être flou (à cause du « motion blur ») les panoramiques doivent être extrêmement lents. Ceux qui « passent » le mieux sont donc les « timelapses » motorisés, à l’image du petit tour de Las Vegas ci- dessous (Baissez le son, la bande musicale est aussi mal choisie que mal mixée !). C’est encore plus vrai en live : pas question de bouger en mode portrait au risque de ne diffuser qu’une purée d’images pixelisées. Comme l’explique très bien Wired, les smartphones (et la vidéo verticale) ne changent pas seulement l’esthétique des images, mais aussi la façon de filmer et de raconter des histoires. Place aux plans fixes et courts, encore plus courts qu’en paysage puisque les sujets ont plus vite fait de traverser le champ et d’en sortir. Place aussi aux « Youtubers », avec Vertical par exemple, cette nouvelle plateforme française sur iOS (image en haut de cette page) qui diffuse en exclusivité sur iPhone, des vidéos (verticales évidemment) réalisées par de jeunes auteurs à destination de jeunes spectateurs. Place encore à des webséries « sociales » comme PLS (sur Snapchat), joli succès de la RTBF dont nous parlons avec son producteur dans le dernier épisode de notre podcast Video-Mobile. Et place aussi, hélas, au grand n’importe quoi que sont ces horribles « stories » de nos rejetons, mélangeant sans complexe et sans une once de respect pour les règles élémentaires d’esthétique, photos, pictos, émojis et vidéos en mode portrait. Je sais : « je suis un vieux %#@$* »!
Pourquoi regarder le monde à travers une meurtrière ?
Voilà pourquoi je continue de penser au fond que filmer en mode portrait, c’est contre nature. Quand je suis bien luné, je trouve ça au mieux « exotique » et indéniablement « challengeant » durant les formations que j’anime. Mais comme j’ai eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises dans notre podcast Vidéo Mobile et comme je le revendique devant mes stagiaires/apprenants, la nature nous a fait avec deux yeux côte-à-côte, et non l’un au dessus de l’autre. Ceci afin, certainement, de mieux appréhender les dangers environnants, qui ont plus de chance de venir de droite ou de gauche que de tomber du ciel. Dès lors, comment prendre plaisir à regarder le monde à travers une meurtrière ? Alors qu’on a la possibilité de l’incliner de 90° pour voir en « grand large ». Jetez un œil à Mommy, le film de Xavier Dolan, et pas seulement à sa bande annonce, jusqu’au moment où le personnage principal « ouvre » l’image… Vous verrez de quoi je parle. Si vous tenez malgré tout à filmer en vertical, mon seul conseil tient dans la vidéo ci-dessous, ultra vite faite.
N’hésitez pas à réagir à ce billet dans les commentaires. Et à pointer vers des vidéos verticales constructives et dignes d’intérêt. Parce que je sais qu’il y en a !
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Le HHG-01 Vertical à 18$ aux USA et à 195€ sur Amazon ! Ça fait cher le coût du transport…
Je doute que le HHG-01 soit à 18$ aux Etats Unis. Soit c’est une erreur d’étiquetage, soit vous avez mal lu et c’est le prix d’un de ses accessoires.
Je suis d’accord avec ça. Ce qui justifie le choix du format vertical par nos chères « têtes blondes » c’est la sensation d’une image plus grande (haute) qui leur donne la l’illusion d’aller à l’essentiel (Quoi, il se passe des choses sur les bords et pourquoi pas hors champ pendant que tu y es? Avec le format paysage, tout est riquiqui…). Aujourd’hui, la vitesse a pris le pas et nous sommes très loin de la lenteur de certains films russes ou japonais ou le regard se délecte de se prélasser dans l’image et où cette lenteur fait sens. Cette époque frénétique de tics et de tocs, la vidéo Nespresso l’illustre bien avec son montage « nerveux ». Mais voilà, ils sont rares les enseignants qui nous apprennent à lire et décortiquer et comprendre une image fixe ou animée dans notre parcours scolaire de la maternelle au baccalauréat. Le mode portrait, c’est le Reader Digest de l’image… Mais moi aussi « je suis un vieux %#@$* »! Par contre, monter trois smartphones à la verticale côte à côte qui filmeraient un même plan, soit 2+1, soit 3 différents, pourraient être une piste intéressante, non?
L’idée des trois smartphones est une démarche créative que les gens atteints du VVS n’ont pas
Ces gens ne cherchent pas la créativité dans le cadrage vertical…
Pourquoi ils filment à la vertical ?
Pour la même raison qu’ils partagent direct une photo sans même la développer
Allez, hop, on s’en fout, c’est vitouf
Bonjour
Je ne veux pas défendre le fait de filmer en mode portrait mais je voudrais simplement dire qu’il me semble que l’argument » on a 2 yeux l’un à coté de l’autre et pas au dessus … » ne tient pas dans la mesure ou , bien avant l’invention des smartphones , l’on continue de lire , d’avoir des flyers et des affiches en mode portrait . La question ne date pas d’hier et depuis que le peintre s’est donné un cadre , aucun format précis n’a émergé . Le cinémascope aurait été inventé , non par rapport à l’emplacement de nos yeux mais pour contrer la télé … alors , à l’image de certains réalisateurs ( Eisenstein … ) et photographes , bien plus compétents que moi , pourquoi ne pas tendre vers le format carré ( si dans Mommy ce format nous donne la sensation d’un étau , c’est plutot dû aux plans serrés et à l’ambiance qu’au format ) moins reducteur/castrateur qu’un format rectangulaire quel qu’il soit …
Eric
Les cadres en vidéo…
Vaste sujet
https://youtu.be/Y_MUK6xSOP81
(Les Bases du Cinéma #3 – Les Ratios de Cadre)
Filmer à la verticale est une pratique de neuneu !
Purement et simplement !
Sauf….
Sauf si les bandes noires sont exploitées et servent à afficher des informations supplémentaires
D’aucun diront que c’est à cause du format vertical des smartphones ?
Bullshit !
Il suffit d’une ligne de code pour faire en sorte que, sur les réseaux sociaux affichés sur smartphone, l’application passe automatiquement en paysage le temps de la vidéo
Ou, il suffirait que l’application de photo/vidéo passe automatiquement en paysage à son lancement
Quand au côté créatif ?
Bullshit aussi, et je suis obligé de me mettre sur une tablette pour les 3/4 de mes activités sur les réseaux sociaux
Pourquoi ?
=> On peut pivoter l’écran !
Alors tant que tous les moniteurs de PC ne pourront pas pivoter… :
https://youtu.be/AqHZJe6306k
(Turn Your Phone 90 Degrees – IFHT Films)
=> sous-titres disponibles 😉
Bonsoir 🙂
En tant qu’utilisatrice des réseaux sociaux, grande aficionado du format portrait en photo et en vidéo, et professionnelle de l’image, je peux vous apporter quelques éléments de réponse :
1) « il suffit d’une ligne de code pour faire basculer la vidéo ». Cette ligne de code existe déjà sur certains réseaux comme Facebook, si l’on prend la peine d’ouvrier la vidéo. Mais la plupart du temps on ne prend pas la peine de l’ouvrir, on la regarde depuis le feed puisque elle est lancée automatiquement. Il serait ennuyeux que l’appli bascule en plein écran des qu’on traverse une vidéo en scrollant.
2) « le format vertical est une pratique de neuneu ». Non. Il est très pratique et confortable pour partager du contenu rapidement. Le cadrage est parfait pour un usage quotidien sans vocation particulièrement esthétique. Quand on veut filmer des personnes il est également très agréable car il permet de filmer l’ensemble du corps, des mouvements, sans pour autant que le visage soit trop petit. On peut donc voir à la fois l’action et les émotions.
3) en tant que photographe, mon approche a évolué ces dernières années pour passer d’un ratio 99% de photos en format paysage a un franc 50%, et ce grâce à un « entraînement » via le contenu posté sur les RS.
J’espere Que ces quelques précisions vous éviteront de passer vous même pour un neuneu en d’autres occasions.
Bonne soirée.
Bonjour Laurent,
D’abord merci pour votre article qui me permet d’en savoir davantage au sujet de la vidéo verticale.
Je suis étudiant aux beaux arts, et je pratique la vidéo essentiellement.
J’ai récemment fait un voyage d’Helsinki à Prague et, pour le faire partager a mes proches, je me suis lancé dans la story sur Instagram. J’avais beaucoup d’apriori mais j’y ai finalement decouvert un vrai potentiel. Alors que je trouvais difficile au début de composer l’image en format portrait, c’est venu assez rapidement au bout de 3/4 jours…
J’aimerais en discuter avec vous car le sujet à l’air de nous intéresser.
En attendant une réponse de votre part, je vous laisse mon Instagram où, si vous avez le temps, vous pouvez voir mes story et des courtes vidéos que je commence a faire a partir de ces story. -> jblacaille
C’est un tout début de réflexion mais j’envisage d’exploiter ce format pour mon DNSEP de l’an prochain.
Cordialement,
Jean-Baptiste
L’argument des yeux l’un à côté de l’autre n’est pas si idiot que ça. C’est en grande partie pour cette raison que le champ de vision horizontal est supérieur au champ de vision vertical.
Les peintres et les photographes utilisent le mode portrait quand le sujet est adéquat. Y a-t-il une différence avec le cinéma ou la vidéo ?
Je pense que oui. On regarde d’abord un tableau ou une photo dans sa globalité avant de s’intéresser aux détails. Mais les images vidéo changent sans arrêt, on ne s’approche pas de l’écran pour scruter l’image. Et il est rare que tous les plans d’un film soient le mieux représenté par le mode portrait.
On est donc condamné, quand on regarde un film en mode portrait, à ne voir qu’une partie de l’image, si on est trop près, ou un vide sur les côté, si on est trop loin.
Si ce vide est complété par quelque chose : image fixe ou animé, texte…, ou du vide assumé, un format vertical peut se comprendre ; sinon, c’est moins naturel qu’un format horizontal.
Bonjour, je ne suis pas là pour débattre sur le pour ou contre mais pour trouver une solution technique : la vidéo de Nespresso a un atout majeur : quand on la lance en fullscreen sur un mobile elle restre verticale ! Comment peut-on faire ça ? https://youtu.be/l3DDHV8PaT4 J’ai beau publier sur Youtube ou FB, mes vidéos verticales sont stupidement mis à l’horizontale et donc minuscules et pénibles à regarder puisqu’il faut tourner laborieusement le téléphone…
Il n’y a en principe rien à faire. Si ce n’est de monter et d’exporter la vidéo dans votre outil de montage dans un ratio vertical : 1080×1920, 720×1280… Postée sur YouTube,la vidéo s’affichera en mode portrait en plein écran sur un smartphone. Mais pas sur un écran bloqué en mode paysage comme une tv ou un moniteur.