Quel est le meilleur plan pour introduire un sujet audiovisuel ? Un plan fixe ou plutôt un mouvement ? Large ou serré ? La question peut être posée. Même s’il n’y a que des éléments de réponse, pas de recette infaillible.
Le panoramique latéral commence sur une avenue embouteillée et termine sur la porte d’entrée de l’usine et le groupe de grévistes avec leurs de banderoles… Ce genre d’images a marqué mon adolescence. Non pas que la France connaissait à l’époque des tensions politiques et sociales plus importantes qu’aujourd’hui, mais parce que c’était souvent la façon dont démarraient les sujets au 20h dans les années 80 : par un beau plan large en panoramique. C’était le temps où la vidéo restait le monopole du service public télévisuel, ou les JRI étaient rois et où ils imposaient leur façon très académique de raconter des histoires en images. En commençant par un plan de situation qui avait valeur de « chapeau », comme dans un « papier » écrit, et qui servait autant à planter le décor qu’à résumer le sujet ou à poser le thème.
Quarante ans ont passé. La vidéo a débordé les canaux hertziens pour inonder la Toile et ses réseaux. Quant au public actuel, il est né avec une télécommande dans la main (et au bas mot, une cinquantaine de chaînes au bout) mais aussi avec des pastilles vidéo qui défilent sous ses yeux, sur à peu près tout et n’importe quoi, en démarrant automatiquement dans les flux des réseaux sociaux. Résultat, ce chiffre affolant : 3 secondes, la durée maximum que 50% des internautes regardent des vidéos sur Facebook, avant de passer à autre chose. Quant à la moitié des spectateurs restant, elle sera à nouveau divisée par deux avant que la lecture ait atteint la dixième seconde de la vidéo. Conclusion : aujourd’hui c’est dans les toutes premières secondes qu’il faut ferrer le spectateur. Le premier plan est donc devenu crucial.
Eviter le tout ou rien
Si vous donnez tout dans le premier plan (un plan large qui montre tout) ou qu’au contraire vous ne montrez rien (un plan large qui plante un décor pas très intéressant) vous ne donnez pas envie d’aller plus loin. A notre époque, les troubles l’attention sont devenus légion et pas seulement chez les plus jeunes. Il faut donc interpeller, choquer, divertir… bref essayer de scotcher l’audience au maximum.
Pour cela plusieurs méthodes
- Surprendre avec un premier plan inattendu, un angle de prise de vue inhabituel;
- Attirer la curiosité avec un très gros plan d’un détail saugrenu ou mystérieux ;
- Enchanter avec une image esthétique, tant pis si c’est le seul « beau plan » du film;
- Choquer avec une image forte, violente ou crue ;
- Eblouir avec des couleurs vives, un fort contraste…
Si vous êtes un esthète -et le champion du monde du cadre- rien ne vous empêche de cumuler ces caractéristiques par un plan inattendu montrant une image très forte à la fois esthétique, colorée et ménageant un peu de mystère. Classe ! Mais cela ne suffit pas. Rappelez-vous que vous avez trois secondes pour ferrer. Avec ce premier plan vous venez seulement de susciter l’intérêt du spectateur, pas question de le relâcher : donnez-lui rapidement un deuxième plan avant la fin de ces trois secondes qui suggèrera que le montage de votre film va être hyper dynamique, « stroboscopique » aurait dit ma grand-mère qui raffolait des « Maigret » au temps de Jean Richard, où chaque plan durait rarement moins de 10 secondes.
Et le générique ?
Et bien sûr, décalez votre générique si vous en aviez un en amorce de vos pastilles : attaquez plutôt avec votre plan miracle ou introduisez votre sujet en moins de dix secondes avec une voix off ou une présence face caméra. Et seulement ensuite, une fois que vous aurez appâté les spectateurs, envoyez le jingle/générique (5 secondes au plus) !
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