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Quels plans d’illustration faut-il filmer ? (1)

Une vidéo ne tient pas sans plans d’illustration. En ne donnant à voir qu’une personne qui parle devant la caméra vous risquez d’avoir perdu 75% de vos spectateurs au bout de 15 à 20 secondes. Pour conserver leur attention, il faut illustrer les propos avec une succession de plans qui donnent du rythme au montage.

Même si les vidéos « no comment » ou « textées » (avec du texte animé à l’écran) se sont multipliées avec les réseaux sociaux, les sonores (les interviews, témoignages sur le vif lors d’un « micro-trottoir », démonstrations ou dialogues filmés) constituent traditionnellement la colonne vertébrale des sujets audiovisuels classiques. Mais on ne peut se contenter de ces sonores, contrairement à ce que pensent souvent les « producteurs » de vidéos qui débutent. Même si le témoin est charismatique et ses propos passionnants, s’il reste plus de 20 secondes à l’image, le spectateur « décroche » et zappe. Pour retenir son attention, il faut des plans d’illustration, autrement dit des images qui viennent illustrer le propos de l’interviewé, que l’on continue à suivre de fait uniquement en audio, stimulant ainsi le cerveau davantage. Ces plans d’illustration qui s’enchainent au montage sous la forme d’une petite séquence, chacun durant en moyenne entre 2 et 5 secondes, créent une narration visuelle et commencent à transformer l’interview en un véritable « film ».

Quels plans faut-il filmer ?
Chaque plan d’illustration n’est rien moins qu’une information envoyée au cerveau du spectateur. Et les journalistes ont appris qu’une information répond à une question de type  « qui, ou, quoi, quand, comment, avec qui… ». Même s’il a des règles esthétiques (cadre, composition, lumière…), un plan d’illustration n’est pas là pour meubler ou faire joli mais pour répondre implicitement à un des « 6W » (Who, Where, Why, When, How, With who). Le « Quand ? » (When), n’est pas nécessairement illustré par des images, mais renseigné souvent par le commentaire « off » ou le titrage. Pour passer en revue quelques recettes en matière de plans d’illustration, je vais distinguer ceux permettant d’illustrer une personne, et ceux plus généraux, nécessaires dans un reportage que nous aborderons dans un second volet.

Cas numéro 1 : la personne
En formation, j’ai l’habitude de demander aux apprenants de faire systématiquement 5 plans d’illustration au minimum chaque fois qu’ils ont filmé un personnage qui a parlé de son travail ou de quelque chose qu’il fait durant interview : un plan de situation, un plan de son visage ou de ses yeux, un de ses mains, un plan par dessus son épaule, et une entrée ou sortie de champ.  Explications.

  1. Le plan de situation qui répond à la question « Où ? » et parfois à la question « Avec qui ? », campe le personnage interviewé dans l’environnement dont il parle. C’est généralement un plan large.
  2. Le plan des mains répond aux questions « Quoi? » ou « Comment? ». Pour beaucoup, filmer des mains est le plan d’illustration minimum à ramener. Pour moi, c’est tout l’inverse : à moins que les mains fassent vraiment quelquechose de parlant, ce plan est trop souvent suranné.
  3. Le plan du visage, ou du regard, répond à la question « Qui ? ». Il permet d’identifier de qui il est question et constitue un « champ », une vue d’une action.
  4. Le plan par dessus l’épaule place le spectateur en vue subjective comme s’il était à la place du sujet. Il répond en même temps aux questions « Quoi ? » et « Comment ? », parfois en plus à « Où ? » voir « Avec qui ? ». Il est le « contre-champ » du plan précédent, une vue à 180° de la même scène. Avec le « champ » on a compris que la personne regardait quelque chose, avec le contrechamp on concrétise ce qu’elle regarde réellement.
  5. L’entrée/ou sortie de champ, que l’on montera souvent au début ou à la fin de la séquence d’illustration, répond au moins aux questions « Qui ? » et « Où ? », parfois à « Pourquoi », « Comment » et « Avec qui ? ». Puisqu’elle fait apparaître dans le cadre ou disparaître du cadre le sujet ou ses mains, elle est une action à part entière.

Tous ces plans d’illustration se réalisent évidemment après l’interview : inutile de les tourner pendant l’entretien ou sa mise en place. Ce qui intéresse ce n’est pas de voir la personne assise sur une chaise en train d’être interviewée. Ces images que l’on voit parfois dans les sujets télé correspondent à des situations où l’on a rien d’autre à montrer. Il est indispensable de prêter une attention particulière aux propos de la personne durant l’entretien filmé pour identifier au fur et à mesure les situations qui vont mériter d’être illustrées ensuite et que l’on va peut-être demander à l’interviewé de « jouer » pour cela. Exemple : j’interroge un graphiste sur son travail. A l’issue de l’entretien, je vais lui demander d’aller se mettre à son poste de travail comme il le ferait tous les jours et de travailler, ou de faire semblant de travailler. Le temps pour moi de filmer ces plans d’illustration.

Pour pouvoir utiliser au montage entre 2 et 5 secondes de chaque plan d’illustration, il est nécessaire de filmer chacun pendant une dizaine de secondes. Et il faut bien sûr qu’il se passe quelque chose à l’image, un mouvement, une action, même subtile. A l’exception du regard (du visage) qui se suffit à lui-même, les autres plans doivent montrer une action.

En fonction de la durée que l’on imagine au final conserver de l’interview, il est souvent préférable de filmer deux situations avec ces 5 plans d’illustration à chaque fois : le graphiste travaillant avec sa tablette et son ordinateur par exemple, puis avec sa colle et ces ciseaux. Le but est d’obtenir ainsi deux séquences dont on pourra enchaîner les plans pour créer une courte narration. Trop souvent, les débutant se contentent de filmer quelques plans d’illustration qu’ils montent dans n’importe quel ordre, sans assurer de continuité. A vous bien sûr d’adapter le contenu de ces plans minimum en fonction des propos de l’interviewé et de tourner tous les autres qui pourraient les illustrer, et qui correspondent souvent à ceux du reportage (que nous abordons dans un 2nd volet).

Quand re-montrer l’interviewé à l’image ?
Pas question de se contenter d’un plan d’illustration par-ci, par-là : dès que l’on commence à « recouvrir » les propos d’un interviewé avec des plans d’illustration, on se doit d’en enchaîner au moins deux ou trois. Rien n’est plus lassant que le « ping-pong » : l’interviewé est visible, puis masqué quelques secondes, puis à nouveau visible, puis masqué à nouveau… J’estime que l’on ne peut laisser un interviewé à l’image plus d’une quinzaine de secondes. De la même façon, j’estime aussi que les plans d’illustration peuvent s’enchaîner pendant autant de temps. Personnellement, je ne fais revenir le sujet à l’image, soit  lorsque je n’ai rien pour illustrer ses propos, soit quand celui-ci commence à parler d’autre chose, en répondant à une autre question qu’on lui a posée. C’est alors une bonne façon de marquer les esprits et d’attirer l’attention du spectateur : on parle d’autre chose, c’est une autre idée qui commence à être développée, voilà pourquoi on montre à nouveau le témoin à l’image.

Laurent Clause

Laurent Clause

Journaliste par vocation, spécialiste des nouvelles technologies depuis la fin des années 80, je suis devenu réalisateur d'images et formateur (à la vidéo en général et à la "vidéo mobile", sur smartphone, en particulier). J'ai enseigné le MoJo à l'Ecole de Journalisme de Sciences-Po Paris et interviens avec ma société Milledix notamment à Gobelins l'Ecole de l'Image, pour Samsa, le groupe CapCom ou aux Antilles et à la Réunion pour Inzy-Learning . J'enseigne l'écriture audiovisuelle, le montage avec FCP X, Adobe Premiere Pro ou Da Vinci Resolve et bien sûr la vidéo mobile, le MoJo (mobile journalism), le tournage avec Filmic Pro, Open Camera ou autres et le montage notamment avec Adobe Rush, LumaFusion ou VN..

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